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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/275

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

reux. Soit bienveillance, soit vanité, le monde, la société aiment aussi à jouer avec la jeunesse la comédie de la protection. Ils concourent à la tromper en se trompant eux-mêmes. L’imagination et le désir aidant, on conclut facilement des promesses du début aux réalités de l’âge mûr. Or rien n’est moins régulier que le développement des aptitudes artistiques. Bien des talents s’épuisent après une première et brillante floraison ; bien des vocations se démentent ; et les talents les plus sérieux, même quand ils suivent une progression normale, ne rencontrent pas longtemps les sympathies qui ont encouragé leurs premiers pas.

Les œuvres de jeunesse, avec leurs bonheurs et leurs indécisions, leurs audaces et leurs candeurs, charment plus que les productions nées de la maturité des ans, du travail et de la science. Le public, qui se fatigue aussi vite qu’il s’engoue, trouve bientôt l’artiste au-dessous des folles attentes de son imagination, et lui fait cruellement expier ses soi-disant déceptions. Le public a des retours de sévérité inouïs, des exigences de blasés qui vous condamnent au découragement et à l’inaction. Malheur, souvent, à l’artiste qu’un tableau heureux