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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/279

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

se résigne-t-elle pas à ce déchet, comme un industriel fait la part de la casse dans la fabrication d’un objet délicat ? Tout n’est pas perte sèche dans ces débris en apparence inutiles ; et la société est aussi injuste que cruelle quand elle enveloppe dans une même réprobation tous les obscurs soldats de l’art, qui défaillent et tombent à moitié chemin.

A côté des déserteurs qui quittent le champ de bataille pour la brasserie, il y a des croyants qui n’ont que le tort de s’oublier trop dans la contemplation. Impuissants à produire parce qu’ils conçoivent trop haut, martyrs parfois de la sévérité excessive avec laquelle ils se jugent, doués d’un sens critique trop pénétrant, dont ils abusent contre eux-mêmes, ils laissent, au lieu d’œuvres, des indications sagaces, de jolies choses inachevées et comme entrevues. Ils sèment des mots, des observations, des boutades qui font la lumière ; répandent ainsi, entre amis, dans les ateliers, un enseignement dégagé de toute convention d’école, qui profite à leurs camarades plus heureusement équilibrés. La société, qui tient compte des résultats seulement, les appelle « fruits secs ; » mais plus d’un peintre arrivé, quand il descend dans sa