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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/80

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L’ÉTÉ DU PAYSAGISTE.

« Tiens ! dit la mère Boutry à son mari en le consultant du regard, ce monsieur-là veut acheter m’n’assiette ; je croyions qu’il voulait se gausser de moi…

— Qu’veux-tu ? Y a des gens qui cherchont comme ça tout ce qu’est vieux. Une idée, quoi ! et c’t’assiette-là, c’est ancien, ancien… C’est du temps de la République, — l’ancienne, quoi ! — Vous n’avez pas vu ces temps-là vous… des temps terribes, auquel on ne pouvait pas bouger ni dire tant seulement un mot sans être traduit devant la guillotine. »

. . . . . . . . . . . . . . .

C’était, en effet, une assiette dite à la Convention, avec date et légende. Un trophée de drapeaux tricolores, avec le bonnet phrygien brochant sur le tout, occupait le fond de l’assiette. Mais la chimie des faïenciers nivernais n’avait pas été à la hauteur de leur civisme ; le farouche emblème avait contracté, sous leur pinceau, au lieu de la couleur écarlate imposée par le dogme républicain, une teinte d’ocre jaune d’un aspect tout à fait débonnaire ; et la petite mèche qui ornait l’extrémité de cette bonneterie patriotique lui donnait un faux air de la coiffe de nuit de M. Denis.