Aller au contenu

Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
publication de la collection hippocratique.

qu’il avait ramassés, afin d’augmenter ses mérites, et de s’attribuer des travaux, des découvertes et une gloire qui auraient dû appartenir à d’autres. Je ne donne aucun crédit à cette calomnie ; et cependant je crois qu’il y a quelque chose de fondé en ce bruit, qui a couru dans les temps anciens ; je crois qu’Aristote a été la cause, non pas volontaire, mais innocente, de la destruction de beaucoup de livres ; sa bibliothèque passa dans les mains de Théophraste, de là dans celles de Nélée, puis des héritiers de Nélée, gens ignorants qui enfouirent les livres, et les laissèrent long-temps exposés à l’humidité et à la moisissure. C’est dans cette transmission que des livres dont souvent Aristote possédait l’unique exemplaire, se détruisirent : c’est ainsi, pour rester dans mon sujet, que périt le livre de Polybe, qu’Aristote avait dans sa bibliothèque, et dont les hippocratiques ne conservèrent qu’un extrait.

En général, on pourrait dire que les collecteurs de livres, avant la période alexandrine si florissante pour la librairie antique, ont été des artisans de la perte des livres, c’est-à-dire pendant tout le temps où les matériaux pour copier ont été rares, et les exemplaires de chaque ouvrage très peu nombreux. Ils les achetaient fort cher, retiraient des mains des détenteurs la seule copie qui souvent en existait ; il ne s’en faisait plus de transcription ; et, si quelque malheur frappait la bibliothèque, le livre était perdu sans retour.

C’est de cette manière qu’on peut concevoir aussi que beaucoup de livres des hippocratiques ont disparu. Ces livres se sont accumulés dans le sein d’une famille ; ils ont peu circulé au dehors, ils ont formé une bibliothèque privée ; la destruction a agi là comme ailleurs, et une multitude d’ouvrages était détruite, ou réduite à des fragments au moment où les immenses dépôts d’Alexandrie les recueillirent.