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Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/43

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médecine avant hippocrate.

de vie, de force et de profondeur à la postérité. Une illusion, causée par l’éloignement des temps, a fait souvent regarder Hippocrate comme le fondateur de la médecine ; il n’en a été que le continuateur, comme on le voit par ce qui précède, mais un continuateur capable de féconder ce qui existait avant lui. En lisant ses écrits on reconnaît que les doctrines qu’il y expose ne sont point de sa création, et partout on sent qu’il pose le pied sur un terrain ancien et solide.

Cette vieille médecine, plus vieille qu’Hippocrate, s’était donc constituée à la fois par l’empirisme des prêtres-médecins et des gymnastes, et par les doctrines des philosophes qui avaient commencé l’étude de la nature. C’est là ce qui en fit, dans ce temps reculé, la force et l’originalité ; c’est là ce qui, tout en l’attachant à l’expérience et à la réalité, la pénétra de ce souffle scientifique qui porta les Grecs si loin et si haut. Sans doute l’empirisme des Asclépions et la philosophie des sages venaient d’une source commune et sortaient l’un et l’autre de l’antique Orient ; mais ces deux éléments ne s’étaient pas encore rencontrés de la même façon. Sans doute les doctrines primitives des plus anciens philosophes grecs tiraient leur origine des mêmes temples qui avaient donné le modèle de la médecine sacerdotale des asclépiades ; mais en Égypte tout était resté séparé et immobile, en Grèce tout se mêla et devint vivant. Les vieilles doctrines cosmologiques entrèrent dans l’étude empirique des faits et y portèrent le sceau de la recherche scientifique ; les faits à leur tour et l’empirisme entrèrent dans ces doctrines, en déplacèrent incessamment l’horizon, et leur donnèrent peu à peu des assises devenues ainsi inébranlables. L’intervalle où cette métamorphose s’opéra est important non seulement dans l’histoire de la médecine, mais aussi dans l’histoire de l’humanité tout entière ; car, à vrai dire