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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/145

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corriger cet état. Dans certains cas, des pratiques purificatoires prenaient place dans la cérémonie. Ainsi, une confession se joignait au sacrifice[1]. D’autres fois le sacrifice lui-même réalisait cette sorte d’expiation. Il pouvait se présenter comme un véritable rachat. C’est ainsi que la Pâque est devenue un rite de rachat général à l’occasion de la consommation des prémices. Non seulement on rachetait la vie des premiers-nés[2] des hommes par le sang de l’agneau pascal[3], mais on affranchissait encore chaque Hébreu du danger. On pourrait peut-être rapprocher de ces faits les luttes que les sacrifiants se livrent entre eux dans certaines fêtes agraires[4]. Les coups paraissent les sanctifier, les purifier et les racheter. Il y a donc, dans le

  1. Il y avait une confession lors de l’apport de la dîme et des fruits dans le temple de Jérusalem (Talm. J., Mischnâ, Maaser Sheni, V, 10 sqq.). Dans l’Inde, une confession de la femme faisait partie du rituel des Varuṇapraghâsas, voir Sylv. Lévi, Doctr., p. 156.
  2. Wellhausen, Prolegomena, III, 1. — Rob. Smith, Rel. Sem., p. 406, p. 464, etc. Nous maintenons, contre l’interprétation trop étroite de Wellhausen et de R. Smith, le caractère communiel de la fête ; remarquons, de plus, la façon dont on y consomme le premier blé, dont on y consacre la première gerbe et disons que, là comme ailleurs, sans qu’il soit nécessaire de supposer la fusion de rites différents d’origines et de nationalités, il y a simplement un cas de rite naturellement complexe.
  3. L’obligation ce sacrifier la Pâque, de consommer l’agneau, d’apporter les premiers fruits (voir plus haut, p. 80, n. 2, cf. p. 96) est rigoureusement personnelle dans le rituel hébraïque. De même, dans le rite des Varuṇapraghâsas, étudié plus loin, nous trouvons un exemple remarquable de rachat personnel. On délie de chaque individu de la famille « le lien » que lui jetterait Varuṇa. On fait autant de gâteaux d’orge en forme de pots (karambhapâtrâṇi) qu’il y a de membres de la famille (Âp. çr. sû., VIII, 5, 41) plus un, qui représente l’enfant à naître (Taitt. Br., 1, 6, 5, 5), et à un certain moment de la cérémonie, chacun les place sur sa tête (Âp., VIII, 6, 23). On écarte ainsi, dit le Brâhmaṇa, Varuṇa, dieu de l’orge, de la tête (Taitt. Br., 1, 6, 5, 4).
  4. Voir Pausanias, II, 32, 2 (Trézène) ; cf. Frazer, Pausanias, III, p. 266 sqq.Paus., III, 11, 12 ; 14, 8, 10 ; 19, 7 (Sparte). — Usener, Stoff d. Griech. Epos, p. 42 sqq. — Cf. Mannhardt, B. W. F. K., I, p. 281. — Frazer, Gold. Bough, II, 165. — Sur les luttes des fêtes de la Holf, voir Crooke, Pop. Relig. a. Folklore of Northern India, I, p. 315 sqq. où l’on trouvera cités un certain nombre d’équivalents. — Mais le rite est complexe, et il est fort possible qu’il y ait là surtout une imitation magique de la lutte annuelle des bons et des mauvais esprits.