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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/146

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premier moment du rite[1], une double opération : 1o désacralisation du blé récolté et battu au moyen de la victime qui le représente ; 2o rachat des moissonneurs et des laboureurs par l’immolation de cette victime qui les représente.

Pour les Dipolia, les documents ne font pas allusion à une communication entre le sacrifiant et la victime avant la consécration. Mais elle se produit après ; elle est réalisée par un repas communiel[2] qui constitue une nouvelle phase de la cérémonie. Après que les sacrificateurs ont été absous de leur sacrilège, les assistants peuvent oser communier. On se rappelle que, d’après le mythe, la Pythie le leur avait conseillé[3]. Un grand nombre de sacrifices agraires sont suivis d’une communion semblable[4]. Par cette communion, les sacrifiants des Dipolia participaient à la nature sacrée de la victime. Ils recevaient une consécration atténuée, parce qu’elle était partagée et qu’une partie du bœuf restait intacte. Investi du même caractère sacré que les choses dont ils voulaient user, ils pouvaient s’en approcher[5]. C’est par un rite de ce genre que les Kafres de Natal et du Zululand se permettent au début de l’année l’usage des nouveaux fruits ; la chair d’une victime est cuite avec des grains, des fruits et des légumes. Le roi en met un peu dans la bouche de chaque homme et cette communion le sanctifie pour toute l’année[6]. La communion de la Pâque avait les mêmes résultats[7]. Très souvent, dans les sacrifices célébrés avant le labourage, on donne au

  1. La légende marque en effet ce caractère quasi expiatoire des Bouphonia
  2. M. Farnell (loc. cit.) et Rob. Smith, art. Sacrifice (Encyclopædia Britannica), y voient une survivance de la communion totémique.
  3. Porphyre, loc. cit.
  4. Mannhardt, W. F. K., I, 105. — Frazer, Gold. B., I, p. 71, 106, 157 ; note addit. au t. II.
  5. Cf. Frazer, Gold. B., II, p. 9, 21, 23, 31, 42, 73, 75, 78, etc.
  6. Frazer, G. B., II, p. 74.
  7. Les Hébreux ne peuvent manger de fruits de la terre promise avant d’avoir mangé les azymes et l’agneau, Jos. V, 10 sqq. Ex. XXIV, 15 sq. ; 18 sqq., etc.