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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/197

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dont nous traitons, le thème de la mort et de la renaissance du magicien. Mais, faute d’autre preuve, nous sommes obligés de passer sur ce fait important. Heureusement, il nous est attesté, d’une façon fort nette et tout à fait authentique, par le premier et l’un des meilleurs observateurs européens, par le colonel Collins, en ce qui concerne la tribu de Sydney, la première avec laquelle les Européens entrèrent en contact[1]. Dans cette tribu, tout individu qui voulait devenir carrah-dy n’avait qu’à dormir sur un tombeau, et si, dans la nuit, l’esprit venait, l’égorgeait, l’ouvrait, prenait ses viscères et les replaçait[2], il devenait carrah-dy. Un fait de même genre nous est décrit, avec un peu plus de précision, par l’un des seuls philologues qui, ayant vécu en Australie, aient observé directement les indigènes : Threlkeld nous dit, à propos de la tribu de Port-Macquarie[3], qu’un os mystique (murrokun) était inséré, par l’esprit du mort, dans la cuisse du futur magicien ; cet os lancé à distance servait aux envoûtements[4].

D’ailleurs, les morts ne forment pas dans la mythologie des diverses sociétés australiennes une classe bien distincte d’esprits, — pas plus d’ailleurs que les esprits de la nature ; car l’une et l’autre classe nous apparaissent, dans les

    des rites permettant de deviner le meurtrier, c’est-à-dire l’enchanteur ennemi.

  1. D. Collins, An Account of the English Colony in New South Wales, etc., 1re éd., Lond. Caddell, 1798 ; 2e éd., ibid., 1804, nous citons d’après lu seconde édition, p. 595, 596.
  2. Collins ne dit pas si l’esprit introduit, à ce moment, quoi que ce soit, dans le corps du magicien, et d’autre part il est invraisemblable que cette opération mythique ait été conçue comme étant sans but. Il est probable que l’esprit donne à ce moment un os magique au magicien, os que le magicien extrayait de lui-même, par exemple, au cours des cérémonies d’initiation tribale. Collins, ibid., p. 565.
  3. Voir œuvrez rééditées par J. Fraser, in Threlkeld, An Australian Language, as spoken by the Awabakal, etc. Sydney, 1892.
  4. Threlked, A Grammar, etc., p. 48, cf. p. 53, et Lexicon, p. 213. Il est fort possible qu’il y ait eu, concurremment à cette initiation, chez les Awabakal, une autre initiation par le mauvais esprit, Koin, cf. p. 47 des anecdotes qui peuvent s’y rapporter.