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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/207

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emmène le fils voir l’autre grand dieu de la tribu, le dieu Père, Baiamai, qui habite au ciel ; ils montent vers lui à l’aide de deux fils[1], et pénètrent derrière la voûte céleste par une espèce de trappe dangereuse. Ils voient ce grand dieu, qui porte sur ses épaules deux larges morceaux de cristal de roche[2], et, à côté, ses enfants qui sont des bêtes et des oiseaux. Ensuite, « pendant que j’étais dans la brousse, je commençai à extraire de moi des choses, mais[3] je tombai malade, et depuis je ne puis plus rien faire ».

Cet authentique récit nous montre comment, en fait, une initiation par révélation se complique d’une sorte d’introduction, par le père magicien, à cette révélation magique. Même, cet épisode où le jeune homme se sent amené dans un trou où il trouve des morts qui lui frottent le corps semble bien être tout simplement la traduction fantasmagorique d’une cérémonie où de vieux magiciens oignent et frottent avec des cristaux le futur sorcier[4]. Ainsi se mélangent, — nous verrons que ce mélange est normal, — deux formes apparemment hétérogènes d’initiation. Mais, abstraction faite de ce passage constant du rêve à la réalité, de combien d’éléments imaginaires cette série d’aventures magiques n’est-elle pas faite ? 1o Absorption, avant l’initiation religieuse à la tribu, de substances magiques qui changent les pouvoirs de vision du futur candidat. 2o Après l’initiation régulière, série de révélations : 1o par les morts qui communiquent encore la substance magique ; 2o révélation d’un esprit animal qui devient le totem familier et secret du futur magicien ; 3o descente sous terre, révélation d’un grand dieu et de ses doubles ; 4o contact avec les animaux totems ; 5o montée au ciel, révélation d’un autre grand dieu, céleste celui-là,

  1. Au bout des deux fils se trouve l’oiseau de Baiamai.
  2. Cf. Boyma = cristal de roche in Manning (MSS.), Austr. Anthr. Jour., I, p. 72.
  3. Ajouter : plus tard.
  4. Cf. plus bas, p. 184.