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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/317

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souvenir d’une chose qu’en effet je croyais savoir, et je répondis : — Avec plaisir, madame. — Je le pensais bien, reprit la vieille. Et elle ajouta : — Tenez, voici le sonneur qui vous le montrera ; c’est fort beau à voir. — En parlant ainsi, elle posait amicalement sur ma main sa main rousse, diaphane, palpitante, velue et froide comme l’aile d’une chauve-souris.

Le nouveau personnage qui venait d’apparaître et qui avait senti sans doute l’odeur de la pièce de quinze sous, le sonneur, se tenait debout à quelques pas sur l’escalier extérieur de la tour, dont il avait entr’ouvert la porte.

C’était un gaillard d’environ trente-six ans, trapu, robuste, gras, rose et frais, ayant tout l’air d’un bon vivant, comme il sied à celui qui vit aux dépens des morts. Mes deux spectres se complétaient d’un vampire.

La vieille me présenta au sonneur avec une certaine pompe : — Voilà un monsieur anglais qui désire voir le charnier.

Le vampire, sans dire un mot, remonta les quelques pas qu’il avait descendus, poussa la porte de la tour et me fit signe de le suivre. J’entrai.

Toujours silencieux, il referma la porte derrière moi. Nous nous trouvâmes dans une obscurité profonde. Cependant il y avait une veilleuse dans le coin d’une marche derrière un gros pavé. À la lueur de cette veilleuse, je vis le sonneur se courber et allumer une lampe. La lampe allumée, il se mit à descendre les degrés d’une étroite vis de Saint-Gilles ; je fis comme lui.

Au bout d’une dizaine de marches, je crois que je me baissai pour franchir une porte basse et que je montai, toujours conduit par le sonneur, deux ou trois degrés ; je n’ai plus ces détails présents à l’esprit ; j’étais plongé dans une sorte de rêverie qui me faisait marcher comme dans le sommeil. À un certain moment le sonneur me tendit sa grosse main osseuse, je sentis que nos pas résonnaient sur un plancher ; nous étions dans un lieu très sombre, une sorte de caveau obscur.

Je n’oublierai jamais ce que je vis alors.

Le sonneur, muet et immobile, se tenait debout au milieu du caveau, appuyé à un poteau enfoncé dans le plancher, et, de la main gauche, il élevait sa lampe au-dessus de sa tête. Je regardai autour de nous. Une lueur brumeuse et diffuse éclairait vaguement le caveau, j’en distinguais la voûte ogive.

Tout à coup, en fixant mes yeux sur la muraille, je vis que nous n’étions pas seuls.

Des figures étranges, debout et adossées au mur, nous entouraient de