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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/405

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ESSAIS ET POÉSIES DIVERSES.
Tityre.

Tu connais cette ville où souvent nos bergers
Vont porter leurs agneaux, les fruits de leurs verger ?
Telle je croyais Rome ; en mon erreur profonde,
J’égalais un village à la reine du monde ;
Ainsi je comparais la brebis à l’agneau,
La force à la faiblesse et la ville au hameau.
Rome sur les cites lève sa tête altière,[1]
Autant que le cyprès sur l’aride bruyère.

Mélibée.

Mais qui te fit pour Rome abandonner nos bois ?

Tityre.

La Liberté ! Berger, sa consolante voix,
Quand mes cheveux tombaient blanchis par la vieillesse,
De mon esprit glacé dissipa la faiblesse.
Phyllis m’avait quitté, la tendre Amaryllis,
Remplaça dans mon cœur l’inconstante Phyllis ;
Car tant que la cruelle a reçu mon hommage,
Je ne pus espérer de sortir d’esclavage,
Je n’osai recueillir le fruit de mes travaux.
En vain, sacrifiant mes plus jeunes agneaux,
J’épuisais mon bercail, en vain ma main habile
Pressait un lait nouveau pour le vendre à la ville,
Jamais de mes labeurs je n’obtenais le prix.

Mélibée.

Souvent, je l’avouerai, j’ai vu d’un œil surpris
Amarylle, le cœur plongé dans la tristesse,
Accuser tous les dieux qu’elle implorait sans cesse,
Alors que les fruits mûrs pendaient dans ton verger ;
Hélas ! elle appelait son trop heureux berger…

  1. Ce vers se trouve mot pour mot dans une traduction que j’ai lue depuis peu. Craignant d’être accusé Je plagiat et sachant bien que j’aurais en beau protester au lecteur qu’il m’appartenait, je me suis déterminé à le remplacer ainsi :

    Mais autant qu’un cyprès qui domine sur l’herbe,
    Rome sur les cités lève son front superbe.

    Désormais, avant que de rien traduire, j’aurai soin d’en lire les diverses traductions. (Note du manuscrit.)