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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/154

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mort devait avoir dénoué sa chaîne et était probablement en marche du même côté que lui, et que sans doute le gibet lui-même descendait la colline, courant après le mort. Il avait peur de voir cela, s’il se retournait.

Lorsqu’il eut repris un peu haleine, il se remit à fuir.

Se rendre compte des faits n’est point de l’enfance. Il percevait des impressions à travers le grossissement de l’effroi, mais sans les lier dans son esprit et sans conclure. Il allait n’importe où ni comment ; il courait avec l’angoisse et la difficulté du songe. Depuis près de trois heures qu’il était abandonné, sa marche en avant, tout en restant vague, avait changé de but ; auparavant il était en quête, à présent il était en fuite. Il n’avait plus faim, ni froid ; il avait peur. Un instinct avait remplacé l’autre. Échapper était maintenant toute sa pensée. Échapper à quoi ? à tout. La vie lui apparaissait de toutes parts autour de lui comme une muraille horrible. S’il eût pu s’évader des choses, il l’eût fait.

Mais les enfants ne connaissent point ce bris de prison qu’on nomme le suicide.