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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/155

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Il courait.

Il courut ainsi un temps indéterminé. Mais l’haleine s’épuise, la peur s’épuise aussi.

Tout à coup, comme saisi d’un soudain accès d’énergie et d’intelligence, il s’arrêta, on eût dit qu’il avait honte de se sauver ; il se roidit, frappa du pied, dressa résolument la tête, et se retourna.

Il n’y avait plus ni colline, ni gibet, ni vol de corbeaux.

Le brouillard avait repris possession de l’horizon.

L’enfant poursuivit son chemin.

Maintenant il ne courait plus, il marchait. Dire que cette rencontre d’un mort l’avait fait un homme, ce serait limiter l’impression multiple et confuse qu’il subissait. Il y avait dans cette impression beaucoup plus et beaucoup moins. Ce gibet, fort trouble dans ce rudiment de compréhension qui était sa pensée, restait pour lui une apparition. Seulement, une terreur domptée étant un affermissement, il se sentit plus fort. S’il eût été d’âge à se sonder, il eût trouvé en lui mille autres commencements de méditation, mais la réflexion des enfants est informe, et tout au plus