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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/28

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à soixante milles de Londres ; le chevalier Middleton vint et la prit ; il amena une brigade de six cents hommes armés de pelles et de pioches, se mit à remuer la terre, la creusant ici, l’élevant là, parfois vingt pieds haut, parfois trente pieds profond, fit des aqueducs de bois en l’air, et çà et là huit cents ponts, de pierre, de brique, de madriers, et un beau matin, la rivière entra dans Londres, qui manquait d’eau. Ursus transforma tous ces détails vulgaires en une belle bucolique entre le fleuve Tamise et la rivière Serpentine ; le fleuve invitait la rivière à venir chez lui, et lui offrait son lit, et lui disait : « — Je suis trop vieux pour plaire aux femmes, mais je suis assez riche pour les payer. » — Tour ingénieux et galant pour exprimer que sir Hugh Middleton avait fait tous les travaux à ses frais

Ursus était remarquable dans le soliloque. D’une complexion farouche et bavarde, ayant le désir de ne voir personne et le besoin de parler à quelqu’un, il se tirait d’affaire en se parlant à lui-même. Quiconque a vécu solitaire sait à quel point le monologue est dans la nature. La parole intérieure démange. Haranguer l’espace est un