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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/130

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Alors pour écouter nous nous sommes assis ;
Et ce grand bruit venait du côté d’Éleusis ;
Or Éleusis était alors abandonnée,
Et tout était désert de Thèbe à Mantinée
À cause du ravage horrible des Persans.
Les champs sans laboureurs, les routes sans passants,
Attristaient le regard depuis plus d’une année.
Nous étions là, la face à l’orient tournée,
Et l’étrange rumeur sur nos têtes passait ;
Et Méphialte alors me dit : Qu’est-ce que c’est ?
— Je l’ignore, lui dis-je. Il reprit : C’est l’Attique
Qui se soulève, ou bien c’est l’Iacchus mystique
Qui parle bruyamment dans le ciel à quelqu’un.
— Ami, ce que l’exil a de plus importun,
Repris-je, c’est qu’on est en proie à la chimère.
Et cependant le bruit cessa. — Fils de ta mère,
Me dit-il, je suis sûr qu’on parle en ce ciel bleu,
Et c’est la voix d’un peuple ou c’est la voix d’un dieu.
Maintenant comprends-tu ce que cela veut dire ?
— Non. — Ni moi. Cependant je sens comme une lyre
Qui dans mon cœur s’éveille et chante, et qui répond,
Sereine, à ce fracas orageux et profond.
— Et moi, dis-je, j’entends de même une harmonie
Dans mon âme, et pourtant la rumeur est finie.
Alors Méphialtès s’écria : — Crois et vois.
Nous avons tous les deux entendu cette voix ;
Elle n’a point passé pour rien sur notre tête ;
Elle nous donne avis que la revanche est prête ;