Aller au contenu

Page:Hugo - La pitié suprême, 1879.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LA PITIÉ SUPRÊME.

Penseur ! qui que tu sois, ce sont là deux victimes.
Plains ce peuple, mais plains l’enfant qu’on abrutit.
Mères ! ayez pitié de ce pauvre petit !
Pendant qu’un assassin sur son âme se dresse,
Tuant en lui l’amour, la vertu, la tendresse,
Prenant ses bons instincts, traître, et les étouffant,
Il est là, doux et seul, et rien ne le défend.
Oh ! l’éducation ! quel bienfait, ou quel crime !
Frêle tête d’enfant qu’un idiot déprime !
Sombre adulation qui mêle et qui pétrit
L’infini, l’absolu, dans un chétif esprit !
Qui fait que désormais, la prenant à la lettre,
Un homme faible et né d’une femme va mettre
Son triste crâne étroit, fait pour durer si peu,
En équilibre avec le front même de Dieu,
Avec le profond ciel plein d’ombre et plein de joie,
Avec ce grand cerveau de l’abîme où flamboie
Le lever effrayant des constellations !