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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/104

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Essais.

jugement de Pâris, il ne pourroit remplir ce vaste cannevas de peintures & d’images qui eussent leurs justes proportions, sans faire un poëme d’une longueur démesurée. L’imagination du lecteur enflammée par une suite de descriptions poétiques, & ses passions tenues en haleine par cette sympathie continuelle qui attache aux auteurs, n’iroient jamais jusques au bout ; elles languiroient long-tems avant la fin de la narration : la violence réitérée des mêmes émotions produiroit infailliblement la lassitude & le degoût.

Une seconde raison sert à confirmer que le poëte épique ne doit jamais prendre ses causes de trop loin ; elle est tirée d’une propriété des passions très-remarquable par la singularité. Dans une composition bien ordonnée, toutes les affections excitées par les divers événemens, décrits ou représentés, se prêtent une force mutuelle. Pendant que tous les héros sont engagés dans une scene commune, & que chaque action tient au tout par une liaison étroite, l’intérêt se soutient, & les passions passent d’objet en objet par des