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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/155

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Philosophiques.

La coutume est le guide principal de la vie humaine, c’est elle seule qui rend nos expériences

    homme d’état, à un général, à un médecin, à un marchand, à proportion qu’on leur suppose de l’expérience & des lumières acquités par cette voie : on néglige & on méprise un novice quels que soient d’ailleurs ses talens naturels. On ne nie pas, à la vérité, que la raison ne puisse former des conjectures très-plausibles sur les conséquences qui résultent de certaines façons d’agir dans certaines circonstances ; mais on croit ces conjectures imparfaites, tant que l’expérience ne les éclaire pas de son flambeau : C’est elle qu’on regarde comme seule propre à rendre fiables & certaines les maximes puisées dans l’étude & la méditation.
    Cependant, malgré le crédit universel que cette distinctioa n’est acquise dans toutes les choses de la vie, tant active que spéculative, je dis, sans hésiter, qu’elle est erronée, ou au moins très superficielle.
    En examinant les argumens qui, dans les sciences mentionnées sont attribués au seul raisonnement, & à la seule réflexion, il se trouvera toujours qu’ils aboutissent à quelque principe général, qu’ils tiennent à quelque conclusion dont il n’y a d’autre raison à alléguer que l’observation ou l’expérience. On trouvera même qu’ils ne different qu’en un point de ces maximes dont personne ne s’avise de chercher l’origine autre-part, c’est que, pour être reçus, il faut une certaine suite de pensées & de réflexions sur ce qui a été observé, afin d’en démêler les diverses circonstances, & de régler les conclusions en conformité ; au lieu que dans le dernier cas l’événement expérimenté a toujours une ressemblance exacte & complete avec celui que nous déduisons