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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/332

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Essais.

ennemis déguisés de la religion chrétienne, qui ont entrepris de la défendre par les principes de la raison humaine. Notre très-sainte

    me sentir la moindre inclination à croire un événement aussi miraculeux. Je ne douterais, ni de la prétendue mort de cette Reine, ni des autres circonstances publiques qui l’auroient suivie ; je me contenterois de soutenir, que cette mort n’étoit que feinte, & qu’elle n’étoit, ni ne pouvoit être, réelle. En vain m’objecteroit-on la difficulté, l’impossibilité même de tromper le monde dans une affaire de cette importance : en vain feroit-on valoir la sagesse & l’intégrité de cette grande Reine, le peu d’avantage qu’elle eût pu recueillir d’un si pitoyable artifice, ou son entière inutilité. Tout cela seroit capable de m’étonner ; mais, je répondrais encore que la fourbe & la folie des hommes sont des phénomènes si communs, que j’aimerai toujours mieux attribuer à leur concours les événemens les plus extraordinaires, que d’admettre une aussi singuliere violation des loix de la nature.

    Mais, si ce miracle étoit attaché à un systéme de religion ; les hommes de tous les âges ont été trompés par tant de ridicules histoires de ce genre, que cette seule circonstance seroit une preuve complette de fausseté frauduleuse : elle suffiroit à tous les hommes sensés pour rejeter le fait, & le rejeter même sans un examen ultérieur. La toute-puissance de l’Être auquel on attribue ici le miracle, n’augmente en rien sa probabilité, puisque nous ne connoissons les attributs & les actions de cet Être que par l’expérience, qui nous découvre ses ouvrages dans le cours ordinaire de la nature. Nous voici donc encore