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Philosophes.

sur ces révolutions qui changent perpétuellement la face de la terre ? Les loix, les sciences, les livres, & les empires, tout est sujet au tems : entraîné par ce courant rapide, tout s’abîme dans l’immense océan de la matiere. Pensée bien propre à mortifier nos passions ; & cependant bien contraire aux desseins de la nature, qui se plaît à nous bercer de cette heureuse illusion ; que la vie est une chose importante. Pensée dangereuse encore, par l’abus qu’en pourroient faire les patrons de la vie voluptueuse, pour nous détourner des sentiers de la vertu, pour nous dégoûter du travail, & pour nous égarer dans les labyrinthes fleuris du plaisir & de la molesse.

Nous lisons, dans Thucydide, que du tems de la fameuse peste d’Athenes, lors même que la mort exerçoit ses plus cruels ravages, & menaçoit d’exterminer jusqu’au dernier des habitans, une joie dissolue s’étoit emparée de tous les esprits, & qu’on s’exhortoit mutuellement à jouir de la vie, tant qu’elle pouvoit durer. Bocace raconte la même chose, à l’occasion de la peste de Flo-