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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/60

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Essais.

opinions communes, une méprise vient à la suite de l’autre, & elles vont toujours en s’accumulant. Au contraire, s’il arrive au Philosophe qui n’a pour but que de représenter les notions communes à tous les hommes sous des couleurs agréables & avec des traits engageans ; s’il lui arrive, dis-je, de tomber dans quelque méprise, il ne va pas plus loin il s’arrête, il consulte le bon sens, il s’en rapporte aux sentimens naturels de son ame : & rentrant ainsi dans le droit chemin, il se précautionne désormais contre le danger des illusions. La renommée de Cicéron conserve encore aujourd’hui tout son éclat ; celle d’Aristote est presque éteinte. La Bruyère passe la mer, son nom se soutient, l’estime accordée à son ouvrage s’accroît ; Malebranche demeure confiné dans sa nation & dans son siecle. Vraisemblablement Addison sera lu avec plaisir, lorsqu’on ne se souviendra plus de Locke[1].

  1. Mon intention n’est nullement de diminuer rien du mérite de M. Locke, qui étoit un grand Philosophe, également exact & modeste dans ses raisonnemens, je n’ai voulu parler que du sort commun de la philosophie abstraite. Note de l’Auteur.