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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/74

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Essais.

sont plus difficiles à comprendre. Quelques exemples pourraient nous faire concevoir une idée plus juste & plus avantageuse de la solidité & de la certitude de cette branche de nos connoissances ; & nous en aurions de fort recens à citer pour montrer qu’on peut la cultiver avec succès[1]. Seroit-il donc

  1. Cette faculté, qui nous fait distinguer le vrai du faux, a été long-tems confondue ayec celle par laquelle nous discernons le vice de la vertu. On suppofoit que la morale étoit fondée sur des relations éternelles & inaltérables, qui dévoient paroître aux âmes intelligentes aussi invariablement vraies que les proposions de géométrie ou d’arithmétique. Depuis peu, un Philosophe (*) nous, a appris, par les raisons les plus convaincantes, que la morale, n’ayant point d’existence dans la nature abstraite des choses, se rapporte entièrement au sentiment, &, pour ainsi dire, au goût spirituel de chaque être en particulier ; que notre ame fait ces distinctions à-peu près comme chaque sens ou chaque organe fait les siennes, par un sentiment propre, en discernant, par exemple, le doux de l’amer, ou le chaud de froid. Il a donc prouvé que les perceptions morales ne doivent point être mises dans la classe des opérations de l’entendement, mais dans celle des sentimens ou des goûts.
    C’étoit une mode, reçue en philosophie, de diviser toutes les passions de l’ame en deux especes, en passions
    (*) M. Hutcheson.