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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/153

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LE MONSTRE

limaces, au bout de pédoncules, leurs queues en toits-pagodes, leur corps tout à la fois verruqueux et poli, sont d’allure décorative, de maintien presque héraldique, mais elles ne peuvent être prises au sérieux et susciter d’autres pensées que celles de la tapisserie qui les fait valoir ou du piédouche qui les porte.

Si parcourue qu’elle ait été, la voie des monstres est donc encore neuve. Et plus ingénieuse cette fois que l’homme, la nature les a pourtant créés les véritables monstres, non dans le « gros bétail, » mais dans « l’infiniment petit, » dans le monde des animalcules, des infusoires et des larves dont le microscope nous révèle la souveraine horreur.

Il semble, en effet, que rien ne puisse égaler l’angoisse et l’effroi qu’épandent les pullulements de ces tribus atroces. L’idée du monstre qui est peut-être née chez l’homme des visions enfantées par des nuits de cauchemar, n’a pu inventer de plus épouvantables formes.

Quel artiste, même dans les songes brisés des fièvres, a pu rêver ces vivantes et humides vrilles qui grouillent comme les Filaria, dans nos urines et dans nos veines ; quel peintre a pu forger, dans