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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/16

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CERTAINS

uns ont la vacuité de cervelle des gens du monde qu’ils envient et singent ; leurs opinions sont dès lors connues. Mais, il en est d’autres, plus ouverts, plus rusés, qui professent, sous le nom de dilettantisme, la nécessité de ne pas se lier, le besoin de ne rien affirmer, la lâcheté, pour tout dire, de la pensée et l’hypocrisie de la forme.

Pour les critiques, c’est un terrain de rapport que ce fluctueux terrain sur lequel ils se meuvent. Vanter ou dénigrer les artistes morts ; éviter de se compromettre, en parlant de ceux qui vivent ; encenser en de sportulaires phrases les vaches à lait académiques des vieux prix ; baladiner avec des thèses soumises et des idées en carte ; débiter, sous prétexte d’analyse, les lieux communs les plus fétides, dans une langue limoneuse, simulant sous l’obscurité des incidentes la profondeur ; tel est le truc. Le critique hésitant et satisfait, amorti et veule, qui manie cette pratique, est aussitôt réputé homme de goût, homme bien élevé, compréhensif et charmant, délicat et fin — ah ! surtout, délicat et fin ! C’est pour lui tout honneur et profit et j’imagine du reste que c’est là tout ce qu’il cherche.