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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/20

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CERTAINS

Cet interminable carton m’apparut comme le gala présomptueux d’une antique panne, comme une oeuvre lente et figée, laborieuse et fausse. C’était l’œuvre d’un rusé poncif, d’un gourmand ascète, d’un éveillé Lendore ; c’était l’œuvre aussi d’un infatigable ouvrier qui, travaillant dans les articles confiés aux oncles de l’art, pourrait être réputé prud’homme et sage maître si la sotte emphase d’une critique en vogue ne s’évertuait à le proclamer grand artiste original et grand poète. Comparer M. Puvis et M. Gustave Moreau, les marier, alors qu’il s’agit de raffinement, les confondre en une botte d’admiration unique, c’est commettre vraiment une des plus obséquieuses hérésies qui se puissent voir. M. Gustave Moreau a rajeuni les vieux suints des sujets par un talent tout à la fois subtil et ample ; il a repris les mythes éculés par les rengaines des siècles et il les a exprimés dans une langue persuasive et superbe, mystérieuse et neuve. Il a su d’éléments épars créer une forme qui est maintenant à lui. M. Puvis de Chavanne n’a rien su créer. Il ne s’est pas abstenu comme M. Moreau des tricheries académiques, des vénérables dols ; il a détroussé les Primitifs Ita-