Aller au contenu

Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
CERTAINS

Cette joie ventripotente et massive se lamine, s’affine pourtant chez Rowlandson, tourne souvent, comme dans les planches pincées d’Hogarth, à la scène justement observée dans ses épisodes ridicules, dans ses coins bouffes. Telle une autre de ses estampes en couleur, l’Avare.

Dans une chambre close, un vieux grigou, coiffé d’un bonnet rose, est assis près d’un coffre-fort. Deux filles, l’une, sur le rebord du lit qui, la chemise relevée, s’ébrase ; l’autre, qui s’évertue à rendre vivant ce vieillard dont la culotte s’est rabattue. D’une main, il tient un sac d’écus, de l’autre, se gratte le front, suppute, dans un gémissant sourire, le prix exigé des filles, se dispute entre les appels de sa ladrerie et les abois de sa paillardise.

L’hésitation de l’homme, le regard goguenard et sournois des femmes qui, fascinées par les bosses et les cliquetis du sac, négligent presque de surveiller les ratatouilles libertines qu’elles préparent au vieux, sont vraiment rendus avec une bonhomie railleuse, une sagacité du cocasse, avec une entente et une verve telles que le côté obscène disparaît, que la scène de mœurs reste seule, avec ses détails de physionomies sur les-