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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/330

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s’éprendre d’une admiration exclusive pour Ingres et du désir de sa direction. Il obtint de se présenter chez lui, à l’occasion d’un certificat de dispense qui lui était nécessaire pour le service militaire. Muni de sa première peinture, « Un buveur Breton », très laidement réaliste et que l’auteur appelait plus tard son Courbet, il exposa sa situation, ses goûts, sa demande et sa toile. Or, tout le temps de l’entrevue, le père Ingres, qui n’a jamais pu supporter le spectacle du laid quelconque, retournait autant de fois contre le mur la peinture de Hamon que celui-ci la remettait sous ses yeux. À cela près, la causerie avec le maître fut aussi cordiale que longue, et le solliciteur obtint tout ce qu’il voulut.


Ingres, regardant divers dessins et aquarelles de paysages par mademoiselle Rosalba Laurens (plus tard Madame Viguier), résuma sa pensée avec ce mot, en lui adressant ce compliment mitigé :

— Vous êtes une fille du Guaspre.


« Combien faut-il de temps pour savoir peindre ? demandait un jeune ganache ». — « Le saurai-je demain ? » répétait, à l’âge de quatre-vingt-sept ans et dans toute la force de son talent, le premier de nos maîtres.


Voici une question posée à Ingres, aussi humblement qu’elle était… naïve, et qui faillit le tuer raide d’indignation : « Les œuvres de Raphaël sont-elles réellement à la hauteur de la réputation qu’on leur a faite ? — Mais elles sont, s’écria-t-il, encore au-dessus de la hauteur de cent, de cinq cents, de mille toises ». Il ne s’était arrêté que par manque de respiration.


Ingres recommandait, dit-on, à ses élèves en visite ou travail au Musée du Louvre, de baisser les yeux et de