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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/182

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MISS VEUVE.

vait les salutations des courtisans, sur le trône d’argent massif, offert naguère par la cité Berlinoise à Frédéric-Guillaume IV.

L’Empereur était d’excellente humeur, s’amusant à montrer sa perspicacité en reconnaissant tous ceux qui le venaient saluer.

Il n’était masque si épais, barbe en dentelle si longue, qui pussent dérouter son regard.

Et c’étaient des exclamations de surprise, des louanges susurrées assez haut pour que le souverain les perçût, qui célébraient la sûreté du coup d’œil de l’Empereur.

Parmi les officiers de la garde, des sourires soulignaient ces adulations.

Ces militaires savaient bien qu’ils avaient fait le tour des couturiers et couturières de Berlin, afin de rapporter à leur auguste maître les renseignements les plus complets sur les toilettes préparées pour le grand jour de la réception.

Les robes démasquaient les visages. Les femmes faisaient reconnaître leurs maris.

— Où est donc Louise-Marie ? questionna soudain l’Empereur.

Personne ne put répondre. Louise-Marie, épouse de l’un des fils du souverain, belle-fille préférée du Maître de l’Allemagne, réputée à la cour pour sa gentillesse, sa gaieté, son entrain : Louise-Marie enfin, à qui le monarque passe des écarts de fantaisie qu’il ne tolérait de personne autre.

Un fonctionnaire déclara l’avoir aperçue un instant plus tôt. Elle s’était levée, avait passé dans la chambre de l’Aigle Rouge, et depuis, elle n’avait pas reparu.

Tous les membres de la Famille impériale prennent des airs outragés, car c’est là une faute grave contre l’étiquette. On ne quitte pas ainsi le Cercle de Sa Majesté. Et le prince, époux de la coupable, s’incline très bas, commençant une phrase d’excuse :

— Mon auguste père, veuillez considérer combien Louise-Marie est jeune…

Le souverain l’interrompt de suite :

— Où prenez-vous que je sois irrité contre elle ? Elle seule est naturelle autour de moi. C’est par une de mes belles-filles que je connais les joies paternelles.

Tous les Visages sourient aussitôt. Puisque l’Empereur est content, les autres n’ont pas besoin d’affecter des airs moroses.

— À quelle mystification se livre encore cette petite tête folle ?