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CHAPITRE VI

L’ÉTAT D’ÂME D’UN ESPION


Les trains ramenant le public de Grossbeeren à Berlin étaient bondés.

Les couloirs d’intercommunication, les passerelles, les fourgons regorgeaient de monde. Mais la foule était sombre, préoccupée. Partie le matin gaiement, elle rentrait terrifiée.

Un appareil inédit, rapide comme la foudre, avait passé, à peine assez pour que l’on pût l’entrevoir, et de l’orgueilleuse construction des ingénieurs aviateurs de l’année germanique, il ne restait que des ferrures tordues, des débris calcinés.

Or, dans l’un des compartiments, où quatorze personnes s’étouffaient, les voyageurs cherchaient à se consoler de la compression dont ils étaient victimes, en discutant l’événement du jour.

— Moi, déclamait un petit vieillard propret, je suis bonnetier depuis quarante ans. Le commerce a de grands rapports avec la politique. Eh bien, j’estime par expérience, que l’habileté la plus grande consiste à parler selon la vérité, à agir selon la justice.

— Cela est évident, appuyèrent les autres commerçants comme le premier.

À les entendre, personne n’eut pensé que la véracité de ces voyageurs pût être mise en doute. Et cependant, dans le commerce, il est impossible d’être sincère. Sans cela, on n’écoulerait jamais les marchandises de qualité inférieure.