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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/244

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MISS VEUVE.

Impressionnées par le silence de leur père, les fillettes pleurent à présent avec lui.

Ces trois pauvres êtres que la force va séparer, disperser ; ces enfants qui seront élevées loin de leur père, ce père qui vieillira, qui mourra sans revoir ses enfants, unissent leurs larmes. C’est tout ce qu’ils possèdent, tout ce qu’ils peuvent se donner.

Soudain, tous trois se redressant, relâchant leur étreinte désespérée. Ils demeurent immobiles, méduses par le bruit étrange qui les a tirés de leur douloureuse absorption. On dirait que des profondeurs du ciel un sifflement descend. Le père, les enfants se regardent. Qu’est-ce que cela peut être ?

Le bruit grossit, s’enfle d’instant en instant, faisant résonner les parois de planches, emplissant la fourragère d’un assourdissant bourdonnement.

Il y a un gourdin sur le plancher. Vaniski s’en saisit, il marche vers les planches mobiles formant l’entrée du triste logis. Mais avant qu’il les ait atteintes, le vacarme s’éteint brusquement, sans transition.

On croirait qu’il a pris fin de l’autre côté du frêle rempart qui enceint l’asile des malheureux. Qu’est-ce donc ? oh ! pas un ami, bien sûr. Chez le paysan, on ne peut attendre que des oppresseurs.

Et sans lâcher son gourdin, l’homme écarte prudemment les planches de ce qu’il appelle prétentieusement la porte. Les petites, apeurées, accrochées à sa blouse, le suivent pas à pas. Voilà l’ouverture libre. Au dehors, c’est la nuit, une nuit brumeuse, dans laquelle la chandelle qui brûle toujours, dessine un pinceau roussâtre. On ne voit rien.

Vaniski avance la tête à l’extérieur, cherchant à percer le rempart de buées qui arrête sa vue ! Et brusquement, il se rejette en arrière avec une sourde exclamation.

Qu’a-t-il donc vu ? Il ne saurait le définir, mais il a aperçu une forme qui ne devrait pas se trouver dans son enclos. C’est une masse sombre, énorme. Cela ressemble à ces wagons à boggies des Grands Express Européens, que le paysan regarde parfois filer à toute vitesse sur la ligne voisine de Berlin à Posen, cette ligne maudite qui relie la cité bourreau à la cité victime.

Comment cela se trouve-t-il là ? Et ce bruit venant des nuages ? Les wagons ne tombent pas du ciel. La curiosité est plus forte que la peur. Le père, les enfants, s’approchent de l’ouverture. Ils cherchent à distinguer l’inquiétant véhicule.

Et comme ils se tiennent là, frissonnants, voilà qu’un foyer lumineux s’allume à la surface de l’objet mystérieux. Un rayon éblouissant traverse la nuit,