Aller au contenu

Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si noble était l’accent du vieux gentilhomme, que son interlocuteur en fut ému. On ne s’adressait jamais en vain au cœur de l’Empereur.

— Je vous crois, reprit-il. Marc Vidal est de ceux que j’aime ; de là ma colère… Parlez, je vous écoute.

— Avec votre permission, porteur de paroles bienveillantes de vous…

M. de Rochegaule semblait interroger. Napoléon approuva du geste.

— Le capitaine Marc Vidal, continua le comte, m’a prié de le recevoir hier soir, vers huit heures et demie.

— Bien !

— Il venait, vous le savez, me prier de ne point accorder, malgré le désir de celui que j’appelais encore mon roi, ma fille Lucile à Enrik Bilmsen, secrétaire particulier de M. de Metternich.

L’Empereur regarda le vieillard :

— On m’a dit en effet la recherche de ce faquin. Mais je ne m’explique pas l’intérêt…

— … du roi dans cette affaire ?

— Précisément.

Un court silence suivit. M. de Rochegaule paraissait irrésolu.

— Eh bien, questionna nerveusement son interlocuteur ?

— Je vais répondre. J’ai eu une dernière hésitation… une dernière… Ceux qui m’ont frappé dans mon honneur affirmeront que je les ai trahis pour me venger. Ils se tromperont. C’est au seul bien de la France que je songe.

Et d’une voix lente, qui sonna lugubrement :

— Metternich, partagé entre le désir de complaire aux souverains coalisés, et celui de ne pas détrôner Marie-Louise, fille de son maître, l’Empereur François d’Autriche, ralentit les hostilités contre vous, résiste aux Russes, aux Prussiens, aux Anglais. Ses alliés manquent de confiance en lui, ils craignent que, sous un prétexte quelconque, les troupes autrichiennes ne se retirent, fassent pis encore peut-être… se joignent aux vôtres.

Une lueur brilla dans les yeux de Napoléon.

— Ah ! Si Metternich arrivait seulement à la neutralité de son pays.

— Oui, les autres seraient bientôt en déroute. Ils le comprennent comme vous, et veulent empêcher cette défection.

— Et Enrik Bilmsen… peut décider Metternich, s’écria brusquement l’Empereur comprenant tout à coup ce qui jusqu’à ce moment était demeuré obscur pour lui ?

— Vous l’avez dit.

— Mais comment… Comment ?

— Au moyen de lettres peu flatteuses pour le ministre d’Autriche.