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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/159

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La surprise se peignit sur le visage de Napoléon.

— Des lettres… je n’ai jamais rien écrit de semblable.

— Non, mais vous avez parlé…

— À. qui ?

— À une femme qui, Impératrice naguère, reste votre meilleure amie.

— Joséphine…  !

— Elle-même.

— Elle… d’un complot contre moi… cela n’est pas vrai.

L’agitation de l’Empereur croissait de seconde en seconde.

— Non, elle n’est pas du complot, fit tristement le vieillard. Vous, au moins, vous n’accusez pas à la légère ceux qui vous servent. Non, elle n’est pas du complot… Elle l’ignore même, et lorsqu’elle relatait vos entretiens à sa fille Hortense, elle ne croyait pas que les papiers d’une femme, d’une souveraine, volés par un laquais, seraient achetés par un misérable soucieux d’unir, au sang d’une noble enfant, le sang vil d’un manieur d’argent.

L’interlocuteur du comte n’écoutait plus.

Il réfléchissait. Tout à coup, il se rapprocha du vieillard et, dardant sur lui ce regard pénétrant qui allait chercher la vérité au fond des cœurs :

Mlle Lucile de Rochegaule accepte donc ce mariage.

— Elle…, s’écria le comte tandis qu’une rougeur ardente envahissait son visage. Elle sait ce qu’elle doit à son nom. Elle ne consentira jamais.

— Alors rien n’est perdu. Allez la prendre, ramenez-la vers Paris…

Le gentilhomme leva les bras vers le ciel avec désespoir.

— Ceux qui ont arrêté Marc Vidal, ont emmené ma fille au camp des alliés. Je n’ai plus de fille.

— Qui donc sont ceux-là ?

— Des soldats russes commandés par un Français.

— Un Français, qui… ?

— Le vicomte d’Artin.

— Votre fils !

M. de Rochegaule secoua la tête avec énergie, et durement :

— D’Artin n’est plus mon fils, je l’ai banni de ma succession, de ma pensée.

Une pâleur couvrit les traits de Napoléon, au contact de la douleur effroyable qu’il sentait vibrer dans la voix du vieillard. L’impression fut si forte qu’un moment il oublia les difficultés de sa situation, pour consoler cette souffrance.

— Mais le chevalier de Mirel…