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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/309

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CHAPITRE XIII

Veni, vidi, vici… victoriaque fugit


Espérat et Bobèche gardaient le silence.

Cramponnés aux barreaux du soupirail, ils regardaient, attendant le miracle, le prodige qui rendrait Soissons aux Français, qui assurerait le triomphe du pays envahi.

Dans le tumulte de leurs pensées, il leur était impossible de s’exprimer. Leurs yeux seuls, se rencontrant parfois, leur disaient l’anxiété partagée.

Et cependant les minutes s’écoulaient.

Une à une elles naissaient et tombaient dans le passé, telles des éphémères dont l’existence se traduit par quelques coups d’ailes.

Trois heures et demie.

Qu’est-ce donc ? Un bruit cadencé de troupe en marche retentit dans la rue des Cordeliers. Il se rapproche, s’enfle.

Quoi ? C’est déjà l’ennemi.

Oui. Wintzingerode, à la tête de deux bataillons d’infanterie prussienne, paraît sur la place.

Un murmure irrité part des rangs des Polonais. En un moment, les braves gens se sont reformés, et les mains crispées sur leurs armes, les sourcils froncés, ils interrogent du regard leur chef, le colonel Kozynski.

Celui-ci s’est avancé vers Wintzingerode :

— Trois heures et demie, dit-il d’une voix tonnante. Vous êtes trop pressé, Monsieur. Nous ne devons nous retirer qu’à quatre heures.

— Encore vous ? fait brutalement le général ennemi.

— Toujours.

— Vous ne prétendez pas nous empêcher de passer. La ville a capitulé et…

— Elle est à nous jusqu’à quatre heures.