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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/393

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Et les minutes évoquant des années de souvenirs, il arrivait à son divorce avec Joséphine, à son mariage avec Marie-Louise.

Là encore il s’était mépris.

Sur la foi de courtisans, il avait cru que la descendante de la maison d’Autriche était l’épouse attendue, espérée dans les rêves d’un grand homme.

Il se rappelait sa marche officielle à sa rencontre, avec tout l’apparat des protocoles et les exigences de l’étiquette.

Comme son cœur tressautait alors. Comme le conquérant farouche que dépeignaient des ennemis frappant sans relâche de la calomnie, comme ce conquérant était loin. C’était homme simple, doux, plein d’affection, allant au-devant de celle qui, de Vienne, daignait venir en France.

Ainsi l’Empereur arrivait à Compiègne, le 27 mars 1810.

Là, l’impatience de se trouver en présence de la jeune Autrichienne ne lui permettait plus de se plier aux lenteurs du cérémonial. Il s’évadait de sa cour comme un collégien de la famille. Il sautait dans un carrosse avec Murat, et à toute vitesse il arrivait près de Courcelles, au milieu de l’escorte de Marie-Louise.

Écartant les chambellans stupéfaits, les gentilshommes de la cour ahuris, il se présentait, lui-même à la princesse.

Quelles douces journées alors… Très timide d’abord, Marie-Louise semblait partager toutes ses idées. Le roi de Rome voyait le jour et Paris acclamait le nouveau-né, dans le tintamarre des salves d’artillerie et du carillon des cloches sonnant à toutes les églises.

Et puis venaient les tristesses, le long calvaire aboutissant à l’abdication.

Marie-Louise se montrait frivole, sans tête et sans cœur.

1812 étendait ses champs de neige sur la grande armée ensevelie.

1813 amenait Leipzig.

1814 c’était l’invasion.

Tout pâle, les joues tremblotantes, Napoléon demeurait immobile, ayant achevé la revue de ses souvenirs, la dernière revue qu’il passerait sur la terre, car il allait mourir, mourir enfin… partir à la conquête d’un bonheur inconnu dans un au delà ignoré.

— Il est temps, murmura-t-il d’une voix douce.

Sans se presser, il s’avança vers la table de chevet dressée auprès du lit. Une carafe de verre teinté de Bohême, rehaussée d’ornements de bronze, et un gobelet appareillé, présents de l’empereur d’Autriche — (ironie des choses !) s’y trouvaient.