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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/258

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Et tout cela par des températures variant de 18 à 34° au-dessous de zéro.

Comme escales, des bourgades misérables, formées de cabanes basses enfoncées sous la neige et dont on ne devinait l’existence qu’en y pénétrant. Les provisions, emportées sur l’automobile, avaient heureusement permis aux voyageurs de compenser la grossièreté des mets, dont s’accommodent ces populations, isolées du reste du monde pendant neuf mois sur douze.

La chair d’ours séchée, les languettes de phoque conservées à l’huile rance, les conserves inférieures dont les négociants peu scrupuleux trouvent l’écoulement facile en ces pays déshérités, décourageaient le palais des voyageurs. Et la friture à la graisse de cétacé, ou, à défaut, à la chandelle fondue (que l’on considère en Alaska comme une gourmandise), eussent amené promptement pour tous la mort par inanition.

Une seule chose leur faisait plaisir.

Le thé, importé directement de Chine pendant les trois mois de « mer libre », les remettait du froid, des fatigues. Ceci au moins était exquis.

Ils avaient déjà parcouru une bonne part de la route, lorsque, à quelques kilomètres d’une bourgade du nom d’Ill-Tower, une panne du moteur les jeta dans une tragique aventure.

Le bidon d’essence se brisa, à la suite d’un choc. Il était sans doute mal attaché. Toujours est-il qu’il laissa échapper le liquide qu’il contenait et que le carburateur devait transformer en mouvement.

Plus d’essence. Impossible d’aller plus loin. À l’estime, la bourgade d’Ill-Tower devait encore être distante de trois à quatre milles.

Et pour comble d’ennui, les ténèbres nocturnes commençaient à envahir le ciel. Les champs de neige, si éclatants durant le jour, semblaient se ternir, s’assombrir de minute en minute. Dick Fann grommelait à mi-voix :

— Camper !… Eh ! sans doute, avec l’automobile, ce ne serait rien pour nous, mais elle ?…

Elle, c’était Fleuriane qui assistait, très calme, aux discussions de ses amis.

Jean Brot, qui s’était éloigné sans être remarqué, reparut soudain.

— Patron, fit-il joyeusement, j’ai trouvé un abri, là, à droite, en contournant les blocs de rochers… Une sorte de cuvette dominée par des escarpements à pic, et, dans le fond, une caverne, ou plutôt un ren-