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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/70

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tordu, positivement… Tantôt, je me méfiais de vous… je me confiais : « Ce Frachay-là accepte des cigares du nommé Larmette… je crois que le patron a eu du nez de me charger de veiller sur mam’zelle Fleuriane. »

Brusquement, il prit un ton suppliant :

— Seulement, patron, maintenant qu’on s’est reconnu, vous me ferez travailler avec vous.

— Je te le promets, mon brave Jean. Par exemple, personne ne doit se douter de notre entente. Il sera bon, même, que tu manifestes de l’éloignement pour moi.

Et tous deux se séparèrent. Le dîner rassembla tout le monde dans la somptueuse salle à manger du paquebot. La mer étant douce, il y avait peu de malades et l’assemblée fut nombreuse.

Larmette amusa l’assistance par des anecdotes gaiement narrées. Mais lorsque l’on passa au salon, où des virtuoses avaient promis un concert, il prétexta un malaise subit et se retira, non sans avoir susurré à l’oreille de Mme Patorne, dont la figure hommasse s’épanouit :

— J’ai fait porter des roses dans votre cabine, ô douce amie ! Elles figurent ma pensée qui, jusqu’à demain où je vous reverrai, sera constamment avec vous.

Plus bas encore, il ajouta :

— J’en ai également fait remettre chez Mlle Defrance, la propriétaire de l’automobile qui m’a porté secours sur la route du Havre.

Il y avait dans l’accent un tel dédain pour Fleuriane, que Patorne pensa s’évanouir de plaisir.

Et il disparut. Sur un signe discret de Dick Fann, Jean Brot s’était éloigné de son côté. Une demi-heure plus tard, il rentrait dans le salon.

Un monsieur plaquait à ce moment des accords tonitruants sur le piano, tandis qu’une dame, ouvrant la bouche comme si elle voulait dévorer les assistants, clamait désespérément un air d’opéra.

Profitant du vacarme produit par cette explosion de grande musique, le gamin se glissa derrière le siège du détective et tout en s’asseyant lui-même, il murmura dans un souffle :

— Il est couché, il dort.

Vers onze heures, l’assemblée se dispersa, chacun regagnant sa cabine.