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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/114

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près du palanquin vert, le regret de n’avoir pas trouvé une fleur de bouton d’or.

D’un bond, il fut à côté d’elle, et tendant à Niclauss une fleur épineuse qu’il tenait à la main.

— Plus heureux que mademoiselle, je vous offre une fleur de chardon. Le chardon dit : regrets cuisants de l’absence.

Et, comme Niclauss prenait la tige en remerciant.

— En outre, continua Morlaix avec le plus grand flegme, le chardon vous sera d’une ressource précieuse en voyage.

— Une ressource ?

— Oui, si les vivres venaient à vous manquer.

Puis, laissant Gavrelotten ébahi, ne comprenant pas que son interlocuteur venait toute tranquillement de le traiter d’Aliboron, Morlaix retourna au véhicule bleu, serra une dernière fois la main d’Albin et se rangea.

Fleck avait sauté auprès de Niclauss qu’il accompagnait pour doubler sa valeur, avait-il déclaré. Il se pencha vers Lisbeth :

— En mon absence ne parle pas à ce M. Morlaix. C’est un de ces Français qui se moquent de tout. À l’instant, tu n’as pas compris, parce que tu es bien élevée, il s’est gravement moqué de ton fiancé.

Il y eut une petite lueur rieuse dans les yeux bleus de la jeune fille. Fleck se trompait. Elle avait compris, et même elle avait trouvé drôle la plaisanterie. Mais elle ne jugea pas à propos de le confesser à son père qui ajouta gravement :

— Et un fiancé de plusieurs millions veut être respecté.

Effet singulier d’une ironie ! Pour la première fois de sa vie, Lisbeth eut la vague intuition que l’on pouvait à la fois valoir plusieurs millions et être un imbécile.

Mais elle n’eut pas le temps de s’appesantir sur cette conception nouvelle. L’oncle François, levant son chapeau de paille, disait :

— Bon voyage, messieurs mes neveux.

Tandis que les interpellés répondaient de leur mieux au souhait amical, les porteurs enlevèrent les litières.

De leur pas trotté, ils se mirent en marche,