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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/131

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face indigo, il se figurait retrouver les grands yeux de velours remarqués naguère chez la gracieuse apparition du débarcadère.

Sa raison lui indiquait comme fausse son impression.

Malgré cela il luttait contre la vraisemblance, et il s’irritait de lutter.

C’est qu’à cette heure, ainsi qu’il arrive bien souvent quoi qu’en disent les gens graves qui, sans les comprendre, prétendent expliquer les mystères du « moi » humain, c’est qu’à cette heure l’instinct, émanation divine, voyait plus clair que la raison.

— Oh ! murmura Daalia. Il pense à mes yeux.

— Eh bien, mignonne Abeille d’or, regrettes-tu que je lui aie répondu.

— Non, ma bonne Rana.

— Alors viens voir celui qui n’a pas le bonheur de te plaire.

Obéissante, Daalia suivit la nourrice.

Effectuant en sens inverse le chemin parcouru tout à l’heure, elles se retrouvèrent bientôt devant le portail de la Grande Hutte gardé par les grimaçantes statues de bois.

À présent, Niclauss était attaché au poteau d’épreuve.

Nu jusqu’à la ceinture, le visage marbré de meurtrissures, résultat polychrome de ses nombreuses chutes en cours de voyage, l’Allemand regardait autour de lui, les yeux effarés.

Malgré elle, la jeune fille compara ce personnage ridicule à celui qui, un instant plus tôt, lui parlait.

Le mystère des chastes affections palpita en son âme.

Elle eut la perception nette, éclatante, subite, qu’un lien invisible enchaînait son cœur, et tout bas, ne voulant confier son secret à personne, pas même à la dévouée nourrice, elle murmura :

— Lui ou le kriss d’Oraï !

L’enfant d’antan avait disparu pour toujours. La jeune fille venait de s’éveiller, avec la conscience que l’énigme décevante de la vie pouvait devenir bonne, belle, bienfaisante, être auréolée d’une radiation de lumière. La tendresse allumait ses flambeaux.