Aller au contenu

Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rigjoon esquissa une affirmation de la tête, puis une négation énergique. Il venait de se souvenir des recommandations d’Oraï. Or, son embarras était grand, car la question n’avait pas été prévue.

— Bon, grommela le jeune Français, vous dites oui et non en même temps. Lequel dois-je retenir ?

— Celui que Votre Excellence préférera.

À ce moment, l’hôtelier leva les yeux vers la croisée. Il aperçut Oraï, vit le faux officier faire un signe qu’il ne comprit pas.

La mimique, qui prétend tout exprimer, est dans les circonstances difficiles, d’une insuffisance regrettable.

Oraï pensait :

— Digne Hollandais, affirme-leur donc que nous avons pris le chemin de fer, comme les Allemands qui nous précédaient.

Mais traduisez donc cela par gestes, surtout lorsque les gestes doivent être modérés, sous peine d’attirer l’attention de tiers.

— Lequel croirai-je ? reprit Albin avec un commencement d’impatience.

Rigjoon se gratta la tête, porta successivement le poids du corps sur la jambe droite, et sur la jambe gauche.

— Eh bien ? insista le Français, qui s’adressant à Morlaix ajouta : Ah çà ! nous avons affaire à un gâteux.

Le Hollandais profita de ce mouvement pour décocher un regard suppliant à la fenêtre.

Mais, plus prompt que lui, Albin, s’était retourné, avait intercepté ce coup d’œil et, suivant tout naturellement le rayon visuel du brave aubergiste, avait aperçu le pseudo-officier des douanes.

— Bon, s’écria-t-il joyeusement. Elles sont là.

Et remarquant l’air piteux de son interlocuteur, il devina vaguement là vérité 

— On vous avait défendu de répondre.

Nouveau regard de Rigjoon à la croisée, geste affirmatif d’Oraï. Aussitôt, le brave homme clama, tel un tonneau qui se débonde :

— Oui, Votre Excellence, on m’avait défendu.

— Ah ! alors, sans doute, il est interdit de saluer les… voyageurs en question ?