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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/325

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grande, mais bien meublée de dents blanches et d’une voix chantante :

— Elle-même.

Et avec une œillade :

— Capitaine, ne vous demandez-vous pas pourquoi j’affronte le jour brûlant, pourquoi je mets en danger la délicatesse de mon teint.

La créole était coquette et elle tenait d’autant plus à sa peau blanche que ses traits rappelaient la beauté africaine.

Stiggs ne sourcilla pas. Ce guerrier était accoutumé sans doute à de telles questions.

— Chère femme, modula-t-il, je suppose qu’un motif grave a pu seul vous faire quitter l’ombre protectrice de vos appartements pour exposer au soleil meurtrier des teints de lis.

Sous le compliment, Mrs. Anita Stiggs se dandina comme une cane dont on gratte le crâne.

— Vous êtes un brillant officier, Ezechiel, un brillant, je le proclame, et le gouvernement de Washington vous devra de l’avancement. Oui, certes, le président Roosevelt ne pourra moins faire pour un capitaine aussi perspicace. Comprends ta femme, a dit notre grand Edgard Poë, et tu devineras l’univers. Vous comprenez votre douce compagne, donc vous êtes apte à tout.

On a beau être capitaine de l’armée fédérale des États-Unis, on n’en est pas moins accessible à la louange. Stiggs prit donc l’air le plus aimablement tendre pour questionner :

— Et ce motif grave, m’est-il permis de le connaître ?

— Je ne suis venue que pour cela.

— Alors, je vous écoute.

Discrètement Daalia fit mine de s’éloigner, mais Anita la retint :

— Non, non. Je parlerai devant vous. Donc, c’est un mulâtre qui sollicite la faveur de vous entretenir, Stiggs.

— Un mulâtre ?

— Oui, oui, un de ces gaillards de couleur qu’il vaut mieux rencontrer en ville que dans la brousse. Le drôle fait le bon apôtre, mais je jurerais sur mon salut que son nom figure sur les listes de ces enragés rebelles philippins.