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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/327

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— Reçoit notre hospitalité.

— Serait-ce la Doña Daalia Gravelotte ?

— Oui… Comment sais-tu ?…

L’homme ne répondit pas de suite. Une lueur avait flambé dans son regard pour s’éteindre aussitôt :

— Bon, dit-il, je parlerai devant les Señoras. Après tout, ma mission peut les intéresser.

Et avec un enthousiasme contenu :

— D’ailleurs, il est bon de leur montrer comme un Philippin méprise la vie.

L’exaltation soudaine avec laquelle il prononça ces derniers mots, fit tressaillir les assistants. Sir Stiggs lui-même se départit de son flegme :

— Où prends-tu que ton existence soit menacée ?

— Dans le souvenir du passé.

— De quel souvenir entends-tu parler ?

— De celui-ci. Les Américains n’ont jamais admis l’inviolabilité des parlementaires envoyés par les patriotes Philippins.

— Serais-tu un de ces parlementaires ?

L’officier s’était redressé. Tout son être menaçait. Mais le mulâtre ne baissa point le front. Ses yeux noirs se rivèrent audacieusement sur ceux de son interlocuteur et il répliqua d’un ton calme, sans forfanterie :

— Je suis, un de ceux-là.

Un silence suivit.

Stiggs réfléchissait. Quel motif poussait cet homme à venir défier la mort. Car il avait dit vrai. La qualité de parlementaire n’avait jamais protégé un indigène. Sous le prétexte que les envoyés représentaient des insurgés, des combattants irréguliers, un peloton d’exécution avait toujours éteint leur voix.

Et celui-ci venait, ironique et insouciant, chercher le sort sanglant de ceux qui l’avaient précédé.

— Cette fois, capitaine, vous ferez exception à la règle cruelle.

Stiggs, sa femme, se tournèrent vers Daalia. C’était la jeune fille qui venait de faire entendre la parole de clémence.

Elle avait admiré le courage du mulâtre ; elle s’était souvenue que dans ses veines coulait une part de sang batta, de ce sang soumhadryen si souvent versé dans les luttes contre les Hollandais, envahisseurs là-bas, comme les Américains ici. Une sorte de frater-