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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/376

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Soudain, il se mit à psalmodier à haute voix :

— Seigneur, si la mort me surprend, recevez-moi en votre grâce.

Lopez se retourna et considéra Antonio avec inquiétude.

— Devines-tu un danger, Antonio que tu recommandes ton âme à Dieu ?

— Non, je me souviens seulement. Il y a bien longtemps, je voyageais avec un ami ; nous suivions une sente comme celle-ci. Soudain, un serpent idunea, à la couleur bleue, à la tête petite et effilée comme la pointe d’une flèche, se dressa, piqua mon compagnon au cou, près de l’oreille. Cinq minutes plus tard, le malheureux était mort. Depuis, je ne m’engage jamais en forêt sans réclamer la miséricorde du Tout-Puissant. Comme cela, si le trépas me surprend, je serai en règle avec le ciel.

Dans toutes les colonies espagnoles ou portugaises, on retrouve cette foi audacieuse et naïve. Les indigènes mêlent la divinité à toutes leurs petites affaires. Comme Louis XI demandant pardon aux figurines de plomb de son chapeau, avant d’envoyer un ordre mortel, les métis, par une bizarre tournure d’esprit, associent volontiers le ciel à leurs pires actions.

La religiosité d’Antonio n’était donc pas pour étonner Lopez.

Et, quand il ajouta :

— Vois-tu, Lopez, dans la forêt, le péril est partout. On ne regrette jamais d’avoir pris ses précautions.

Le messager de Moralès dessina un large signe de croix, baisa dévotieusement son pouce et répéta la courte oraison du métis.

Puis la marche fut reprise.

Mais les deux partisans avaient à peine parcouru cinquante mètres que Lopez poussait un cri sourd, étendait les bras en un geste désespéré et se renversait en arrière.

Antonio venait de lui enfoncer son long couteau entre les côtes.

Le métis regarda l’homme étendu à terre, le corps encore frémissant, la face effarée, les yeux grands ouverts.

Puis, froidement, il essuya sur une feuille la lame de son couteau.