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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/406

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dans les mers de Chine, il allait reprendre la mer et regagner son port d’attache.

Un commis de la marine compléta même ces renseignements officiels, par des on-dit qui firent tressaillir d’aise le prêtre de M’Prahu.

On disait, en effet, que le Nasaki avait fait escale à vingt-quatre heures de distance, dans tous les ports où s’était arrêté le croiseur russe Varyag. On ajoutait que, selon toute probabilité, celui-là surveillait celui-ci ; que d’ailleurs les officiers nippons, dès leur arrivée, avaient couru au télégraphe, s’enquérant des relations de leur gouvernement avec la Russie ; qu’ils avaient paru fort mortifiés de ce que les hostilités n’avaient point commencé, et que l’un d’eux même avait laissé échapper cette phrase significative :

— Quel dommage ! Nous aurions eu un beau duel avec le Varyag, qui ne nous croit pas si près de lui.

Muni de ces renseignements, Oraï n’hésita plus.

Il se rendit sur le port, fit marché avec un batelier, et, d’accord avec l’indigène, prit place dans la barque en ordonnant au brave homme de le conduire au Nasaki, dont la carène élégante se distinguait au beau milieu du golfe de Manille.

Le croiseur nippon avait trouvé bon de ne pas accoster à quai.

Malais, Japonais, Chinois, ont la même âme jaune. Ils se devinent, se comprennent.

Oraï en fit la preuve. Il lui suffit d’affirmer qu’il était ennemi des Russes pour être reçu à bord du Nasaki.

Conduit en présence du commandant japonais, un petit homme à la tête ronde, aux yeux bridés, à la face énigmatique, qui répondait au nom de Kuroki, il lui exposa ses griefs contre le Varyag.

Sans hésiter, le Nippon répondit :

— Je ne puis l’attaquer ; mon maître, le Mikado, n’a pas encore permis aux fils de l’Empire du Soleil Levant de châtier les barbares des steppes glacées ; mais si ce navire russe rejoint Chemulpo…

— Il doit se diriger vers ce port de Corée. Son capitaine l’avait dit à Moralès.

— Alors, nous allons appareiller, et je lui créerai des difficultés telles avec les autorités de Chemulpo, qu’il te livrera ses passagers et que, peut-être…

L’homme jaune s’arrêta.