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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/407

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— Peut-être ? insista le sacrificateur.

— Je le punirai d’avoir protégé des blancs immondes contre la légitime colère de mes frères dorés par le soleil des Philippines et de Java.

Sur ce, l’officier japonais autorisa gracieusement le soumhadryen à prendre passage à son bord, l’avertissant seulement que l’on appareillerait dans deux heures.

— Mais, fit tout à coup Oraï, au moment de redescendre dans son canot, le Varyag aura douze heures d’avance sur nous.

— Nous le rejoindrons et le dépasserons.

— Vous croyez ?

— J’en suis sûr. D’abord le Nasaki est meilleur marcheur que le vapeur russe.

— Oui, mais douze heures…

— Ensuite le Nasaki est japonais et cette raison-là dispenserait de toute autre.

La faconde du pays des chrysanthèmes sonnait tout entière dans la voix de Kuroki. Cet homme pensait, comme tous ses compatriotes d’ailleurs, que la race jaune est supérieure aux autres, et que, dans la race jaune, les Nippons ont été marqués de toute éternité pour commander. 

Oraï n’insista pas.

Rentré à l’hôtel, il se nantit de ses bagages, adressa à Myria-Outan, grand prêtre des Battas, une longue dépêche en langage conventionnel, par laquelle il l’avisait des événements et l’assurait que lui, Oraï, ferait le possible pour ramener à la Pierre Noire des sacrifices l’infortunée Daalia.

Ces divers soins pris, le prêtre regagna le Nasaki, présenta ses devoirs au commandant et se retira dans la cabine mise à sa disposition.

Vingt minute après, sous petite vapeur, le croiseur japonais quittait le golfe de Manille, et, franchissant le goulet, s’élançait rapide dans la direction du nord.

Tout le reste du jour, toute la nuit suivante, le steamer marcha à une allure endiablée ; on eût cru voir un bâtiment exécutant des essais de vitesse.

Autant dans les autres marines, on est ménager de la machinerie, autant les officiers nippons la traitent sans façon. Il semble qu’à leurs yeux, elle doive se briser, ou bien donner, habituellement son maximum de rendement.