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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/438

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un grondement sourd bourdonna… Le Varyag se mettait en mouvement.

D’instinct, Albin se rapprocha de la jeune fille, étreignit ses mains dans les siennes.

Elle riposta par un triste sourire :

— Oui, dit-elle, ainsi, c’est bien.

De nouveau, le silence régna, troublé seulement par la trépidation de l’hélice.

Oh ! la route du supplice… le chemin à parcourir diminuant à chaque minute, et au bout du sentier la tombe, trou noir qui s’ouvre à la surface de la terre et aboutit à l’infini !

Ils étaient là, écrasés par la fatalité, dans l’attente anxieuse des détonations qui leur annonceraient que la fin venait.

Soudain, le Varyag parut secoué jusqu’en ses entrailles. Une effroyable rumeur l’enveloppa de hurlements, de coups de tonnerre, de craquements.

Les canons reprenaient leur dialogue meurtrier.

Que dura cela ?

Aucun des tristes passagers n’aurait su le dire.

Explosions, coups sourds faisant gémir le navire, cris de rage, de détresse, de douleur, tout cela se mêlait, se confondait, emplissant leurs oreilles, infligeant un grelottement à leur cœur.

Ils oubliaient la situation vraie ; une hallucination de légende les prenait. C’était un monstre qui les emportait à travers les cercles gémissants de régions infernales.

— Nous coulons !

Lointain, mais net, affaibli, mais sonore, ce cri parvint aux jeunes gens, les cingla comme l’appel même de la mort.

Ils se trouvèrent debout avant d’avoir songé à se lever.

D’un bond, Albin atteignit le hublot éclairant la cabine, il regarda.

C’était vrai, la surface de la mer semblait avoir monté. Elle était toute proche maintenant.

La canonnade s’était tue.

Sans doute, les Japonais jugeaient inutile de prodiguer leurs projectiles à un navire que le flot allait engloutir.

Et une horreur prit le jeune homme, à la pensée que l’eau surprendrait Daalia dans la cabine étroite, que son agonie se débattrait dans cette prison.