Aller au contenu

Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par le danger prochain, inévitable de l’autre, il les joignit :

— Monsieur, mademoiselle, je suis obligé de vous prier de rentrer dans vos cabines.

Tous deux tressaillirent :

— Ah ! l’heure est venue ?

— Oui.

Albin salua, enveloppa sa compagne d’un regard douloureux, et lui pressant la main :

— Venez, ma chère Daalia.

Et, avec un rire forcé :

— Par ma foi, quand j’étudiais naguère le dialogue de Socrate attendant la ciguë, je ne me doutais pas qu’un jour j’aurais à philosopher en une circonstance aussi tragique.

Il eut un regard attendri pour sa cousine :

— Seulement, pour moi, ajouta-t-il tout bas, c’est beaucoup plus pénible que pour Socrate.

Daalia n’avait rien entendu.

Elle se laissait entraîner, le regard vague. Son visage décoloré avait pris un ton d’ambre pâle.

Évidemment, la pauvre enfant disait adieu à la vie à peine commencée, au rêve de bonheur à peine formulé.

Sans résistance, elle descendit, suivit les coursives, entra dans la cabine d’arrière à elle réservée, et s’assit.

— Je resterai près de vous, Daalia, prononça tout bas Gravelotte, dont la voix tremblait.

Elle leva les yeux sur lui, le couvrit d’un regard profond dans lequel palpitait son âme et répondit :

— Oui. Près de moi, jusqu’à la fin.

Lui aussi prit un siège, et ces deux êtres, qui avaient rêvé la tendresse, s’absorbèrent dans la contemplation de la mort toute proche.

Des bruits assourdis parvenaient jusqu’à eux : ronflement des canons pivotant sur leurs affûts ; gémissement des monte-charge, approvisionnant les pièces ; courses d’hommes gagnant leur poste de bataille ; rumeurs du branle-bas de combat arrivaient dans la cabine silencieuse où deux âmes entraient en agonie.

Et puis, tout à coup, la coque entière du croiseur ressentit comme un frisson ; les cloisons craquèrent,