Aller au contenu

Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! il y avait longtemps que l’on n’avait parlé de M’Prahu.

— Papa, respectez le dieu des Battas, le dieu de votre Daalia.

— Je le respecte, lui, personnellement, si tu veux ; mais ses inspirations…

— Sont la Sapience même, car elles émanent du livre sacré, le M’Prahu-battaëva, dicté par lui à l’aurore des temps et précieusement conservé dans le temple souterrain d’Audelang.

— Ah ! des livres sacrés, tous les temples en possèdent, et chacun prétend apocryphes les livres des voisins.

— Celui-là est réel.

Daalia affirma cela d’un ton résolu, la main levée vers le ciel, absolument comme si elle avait assisté vingt-trois mille sept cent cinquante-deux ans auparavant — ainsi se dénombre l’ère batta — à la dictée de M’Prahu.

Sur ce terrain, elle était intransigeante.

Avec la douce tolérance qui faisait le fond de son caractère, François Gravelotte céda comme de coutume :

— Soit, il est réel. Ne discutons pas pour cela. Il est réel, mais compliqué, voilà tout.

— Encore.

Du doigt la jeune fille menaça le planteur, puis doucement :

— Ah ! mon bon papa, vous ne comprendrez jamais la Sagesse batta. Peut-être aussi est-elle trop différente de la pensée européenne.

— Ce doit être cela, ma chérie.

— Alors, je veux, essayer encore de vous initier, mon père.

— Est-ce bien utile ?

— Oui, car je suis peinée de votre résistance.

Combien subtile, pénétrante était la voix qui prononça cette phrase en un gémissement musical.

Ah ! François l’avait bien dit. Il était sans force contre ces accents harmonieux, contre ce timbre plus pur que la vibration du plus pur cristal.

Il saisit les menottes de l’enfant bien-aimée, et avec la tendre condescendance d’un bon père :