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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/98

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son mieux ; Fleck, Morlaix, François, lui-même, s’abandonnaient à une folle hilarité ; Lisbeth geignait :

— Oh ! Mein Herr Niclauss, pauvre bambou de Chine !

Ce qui arracha au patient ces mots furibonds encadrés d’éternuements :

— Comment, bambou ? Ah ! j’en voudrais un pour frotter d’importance la mégère…

La blonde Allemande répondit gravement :

— Vous confondez avec le bambou africain ; celui-là symbolise la correction ; mais celui de Chine soupire : révolution, renversement.

Rana, elle, sans s’occuper davantage de sa victime, était venue d’un bond se placer près d’Albin.

Elle lui saisit doucement le bras, avec ces paroles :

— Je vous pince, criez !

Obéissant, le Français rugit :

— Oh ! là, là ! vous me pincez !

La nourrice répondit aussitôt :

— Pas content.

— Si, si, déclara le jeune homme, rappelant sur ses traits la plus aimable expression. Aussi content qu’on peut l’être.

— À la bonne heure ! s’écria la Malaise, vous, au moins, avez un bon caractère.

À cette réflexion qui semblait indiquer que l’étrange fiancée penchait en faveur de Gravelotte, Fleck fut saisi d’un tel mouvement de mauvaise humeur, que, sans qu’il en eût conscience pour ainsi dire, son pied fut projeté par la détente d’un ressort sur le tibia de Niclauss, lequel répondit au geste d’avertissement par un beuglement de douleur.

— Qu’a encore ce mauvais ? minauda Rana.

— C’est une anguille de Melun, madame, expliqua gravement l’agent d’affaires. Il crie avant qu’on l’écorche.

Et comme le jeune Allemand, exaspéré par la plaisanterie, cherchait vainement à rendre, sous la table, la ruade reçue à l’instant, Fleck acheva tout bas :

— Si vous ne défendez pas mieux notre fortune, je vous lâche, mon bel ami.

Lisbeth, toute pâle, ajouta :