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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/122

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Bientôt tous quatre pénétrèrent dans une chambre à coucher.

Là, le géant s’arrêta.

Il étendit le bras vers un panneau du mur où étaient accrochés, en panoplie, fusil de munition, baudrier avec son sabre, cartouchière, épaulettes, et, dominant le tout, un haut bonnet à poil.

Ch’ai été grenadier te la Garde, dit Frantz en se redressant de toute sa hauteur.

D’un mouvement instinctif, les mains des trois amis se tendirent vers lui.

Il les réunit dans les siennes, et ses yeux bleus humides, regardant dans le vide :

Plessé à Eylau, réformé, renfoyé ici. Mais tuchurs grenadier de cœur. Tuchurs la cocarde d’Eylau ; la voilà.

Il lâcha les mains de ses hôtes et empoignant le bonnet à poil, il le retourna, montra à l’intérieur la vieille cocarde tricolore.

Puis brusquement :

Égoutez, meinherr, un pon aubergiste feut savoir à qui il a affaire. J’ai donc des « écoutes » dans toutes les salles. Si pien que che suis au courant de fotre discussion de tout à l’heure.

Ils eurent un sursaut :

Ayez bas peur. Vous tenez pour l’Embereur et moi aussi. Les autres, avec leurs processions et leurs émigrés, m’assomment. Ch’ai gompris que le frère de ce cheune meinherr — il désigna Espérat — tenait pour le roi, et que, pendant un moment, il importait de l’immobiliser. Gonfiez-le moi. Che fous chure qu’il ne lui sera fait aucun mal, mais que lui non plus ne pourra pas en vaire du mal.