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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/169

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Le brave garçon hésita une seconde, puis rougissant comme s’il rappelait une mauvaise action, il acheva :

— Quand j’ai eu le bonheur de trouver une pierre sous ma main,

Napoléon lança un sourire et un regard vers le ciel.

Lui, l’homme prédestiné, admirait l’enchaînement étrange des faits.

Pour avoir, tout à l’heure, compati à la souffrance d’une humble fille du peuple, il venait à l’instant, au moment où rien ne semblait pouvoir le sauver, de trouver un défenseur, humble comme celle dont il avait transformé la douleur en joie.

Et comme dans un éclair, il avait entrevu le scintillement de son étoile.

Devait-elle donc briller encore ?

— Merci, Césari, dit-il enfin. Merci. Ta fiancée t’a dit la vérité, et je compte assister à votre noce. Vous étiez mes sujets ; tu viens de devenir mon ami.

Brusquement, il secoua la tête et adressa un adieu amical de la main au marin, stupéfait de s’entendre appeler l’ami de l’Empereur.

— Allons, Drouot, à cheval. N’oublions pas que nous déjeunons à Saint-Cloud et qu’ensuite nous nous rendons à l’ermitage de Monte-Serrato.

Le général se mit en devoir d’obéir.

Mais, comme par réflexion, il revint au cadavre.

— Que fais-tu ? demanda Napoléon.

— Je fouille le coquin, Sire.

— À quoi bon ?

— Oh ! il est probable qu’il n’a pas de papiers sur lui ; mais au cas où il en aurait, je crois inutile de les laisser à la disposition des paysans qui découvriront le corps.

— Tu as raison, fais vite.

Drouot explorait déjà les poches de l’inconnu.

— Cinquante louis. Ce sont des louis à l’effigie des Bourbons. Ce n’est point la misère qui le conduisait au crime ; une montre enrichie de brillants. Diable, mais cet homme était à l’aise. Ah !

Cette dernière exclamation fut arrachée au général par la présence d’un papier.

Vite il le prit, le déploya et le tendant à son interlocuteur :

— Lisez, Sire.

L’Empereur jeta les yeux sur le morceau de papier, car ce n’était qu’un fragment de lettre, laissé probablement par mégarde dans une poche du défunt.